Echeia, 2018

Echeîa : nom donné par Vitruve (1er siècle avant JC), dans son Traité d’architecture, aux vases d’airain placés dans les théâtres antiques dans le but d’en amplifier l’acoustique. Cette pratique de placer des pots en terre dans les murs des églises se retrouve également au Moyen-Age, avec la même fonction de créer un effet sur le son à l’intérieur de l’espace. On les appelle les « vases acoustiques ».

Ma proposition pour la chapelle Saint-Meldéoc consiste à produire un échange avec l’espace autour de la chapelle et, plus particulièrement, avec sa cloche. Disposée en dessous de celle-ci, une sculpture-instrument-machine vient subtilement l’effleurer et la faire rayonner en produisant un son quasi inaudible. C’est en entrant dans la chapelle vide de toute intervention artistique, que l’on se trouve, alors, plongé dans un univers sonore mélangeant les vibrations du son de la cloche diffusées en direct à d’autres harmoniques et réverbérations enregistrés.
Une interpénétration se construit entre l’extérieur et l’intérieur. Baigné par une lumière naturelle, le lieu se fait alors chambre d’écho du son de la cloche, qui devient comme des voix que l’on entend murmurer, se diffusant et résonnant depuis les bénitiers présents présents dans la chapelle.

 

In situ sound installation, sculpture, instrument, amplification and sound diffusion device, brass, aluminium, wood, mix media, dimensions variable.

My work for the chapelle Saint-Meldéoc consists in producing interaction with the space around the chapel and, more espacially, with its bell. Set beneath the bell, a sculpture-instrument-machine subtly brushes against it and causes it to emit an all but inaudible sound. The chapel itself contains no atwork at all, but on entering the visitor is immersed in a world of sound, a blend of the vibrations of the bell with recorded harmonics and reverberations.
An interpenetration takes shape between outside and inside. Bathed in natural light, the chapel turns into an echo chamber for the sound of its bell, a sound akin to the murmur of voices resonating and emanating from the holy water fonts inside.

 
Credit photo : Aurélien Mole

Molybdomancie, 2018

Molybdomancie est une série en cours, dont l’origine est tirée d’une pratique de divination qui est encore d’usage en Suisse allemande où l’on interprète les formes que prend le plomb fondu et les crépitements lorsqu’il est versé dans l’eau.
Inspirée de cette technique, j’ai voulu inventorier les différents métaux et observer leurs formes, leurs réactions en les faisant fondre puis en les renversant dans l’eau en suivant le même protocole.
Chaque métal traduit l’empreinte de l’eau sur le métal et nous révèle le métal dans son aspect natif, les formes obtenues peuvent être très denses ou aérées, nous évoquer un minéral ou encore un végétal et questionne ainsi le règne de la matière.
A partir d’un protocole précis, l’art divinatoire devient le sujet d’une étude quasi scientifique.

 

Ag, Silver, 7 x 6 cm; Sn 1 and 2, Tin, dimensions variable; Bi, Bismuth, 14,5 x 15 cm; Al, Aluminium, 11 x 17 cm

Molybdomancie is an ongoing series, the origin of which is drawn from a practice of divination that is still in use in German-speaking Switzerland, where one interprets the forms that molten lead and crackling take when poured into the body. ‘water.
Inspired by this technique, I wanted to inventory the different metals and observe their forms, their reactions by melting and then reversing them in water following the same protocol.
Each metal translates the imprint of water on the metal and reveals the metal in its native aspect, the shapes obtained can be very dense or airy, we evoke a mineral or a plant and thus questions the reign of the material.
From a precise protocol, the divinatory art becomes the subject of an almost scientific study.

ADN, 2005-2020

Dans son travail, Charlotte Charbonnel s’intérresse tout particulièrement aux manifestations cycliques d’apparition et de disparition de phénomènes naturels : nuages mais aussi tourbillons, fumées, attractions et répulsions électromagnétiques, concrétions salines… Pour ADN, elle capture dans des bocaux en verre remplis de solution d’eau et d’alcool de petits nuages de lait. Leur durée de vie limitée appelle à un soin constant, une réactivation de ces formes flottantes semblables à des fantômes jusqu’à leur inévitables dissolution brumeuse.

 

Installation, temporary experiment. Mixed media, 3L glass jars, various sizes. Work reactived by MAMAC as part of the exhibition « Cosmogonies, au gré des éléments »and by l’espace écureuil pour l’art contemporain as part of the exhibition « Nous ne savions pas ce que vos yeux regardaient ».

In her work, Charlotte Charbonnel‘s particular area of interest is a cyclical manifestations of natural phenomena : espacially clouds, but also whirlwinds, smoke, electromagnetic attraction and repulsion, salt cincretions… For ADN, she captured little clouds of milk in glass jars filled with a solution of water and alcohol. Their limited duration requires constant attention to reactivate the ghost-like floating forms before their inevitable hazy dissolution.

Domo Paleomancie, 2018

 

Stainless steel (thick compass), 50 x 45 cm

Paleomancie, 2018-2020

Collection MAC VAL
L’oeuvre de Charlotte Charbonnel se caractérise par l’observation minutieuse des phénomènes physiques, terrestres et naturels.
Paleomancie rappelle le squelette monumentale constituée de compas métalliques, de tailles et ouvertures variables, réalisés sur mesure. Cette pièce est emblématique de la fascination que Charlotte Charbonnel nourrit pour les instruments de mesure. Les compas d’épaisseur qui la constituent étaient couramment employés comme instruments cranio-graphiques à partir de la fin du XIXème siècle.
Partant d’inspections crâniennes, médecins et chercheurs occidentaux procédaient à une hiérarchisation des facultés intellectuelles et morales des individus et donc du vivant.
Le titre Paleomancie, néologisme inventé par l’artiste, se compose de la racine paléo, renvoyant au passé et mancie, en référence aux arts divinatoires. Il manifeste ainsi du contraste entre l’utilité supposée des pièces métalliques et leur caractère symbolique.
Texte de l’exposition « le Vent se lève » de la collection MACVAL

 

Stainless steel (thick compass), 294 x 45 cm

Collection MAC VAL
Charlotte Charbonnel’s work is characterized by her meticulous observation of physical, terrestrial and natural phenomena.
Paleomancie is reminiscent of the monumental skeleton made up of metal compasses, of varying sizes and openings, made to measure. This piece is emblematic of Charlotte Charbonnel’s fascination with measuring instruments. The thick compasses that make it up were commonly used as cranio-graphic instruments from the end of the 19th century onwards.
Based on cranial inspections, Western doctors and researchers proceeded to a hierarchy of the intellectual and moral faculties of individuals and therefore of the living.
The title Paleomancie, a neologism invented by the artist, is composed of the root paleo, referring to the past and mancia, in reference to the divinatory arts. It thus manifests the contrast between the supposed usefulness of metal pieces and their symbolic character.

exhibition text from « Le vent se lève », of the MACVAL collection

Acouskarstic, 2018-2020

Collection MAC VAL
L’installation Acouskarstic conjugue parfaitement toutes les pistes plastiques et conceptuelles de ce volet de recherches de l’artiste. La pureté du verre évoque ici celle de la goutte d’eau qui forme la concrétion durant plusieurs années. Des éléments de pierre, des éponges néo-fossiles minéralisées par l’artiste et des agglomérats calcaires dont certains fixés sur le verre, placent volontairement les visiteur·euses hors du temps et dans un espace non défini. Les sons enregistrés de rivières souterraines, de gouttes qui tombent régulièrement ou encore de concrétions creuses jouées comme un instrument, deviennent le souffle qui anime ces fistuleuses transparentes, leur respiration et mouvement.
Acouskarstic célèbre l’eau dans ses formes multiples et ses états différents : l’eau qui solidifie et qui sculpte, l’eau qui murmure et qui chante, l’eau qui façonne le paysage. C’est une puissance tranquille qui est à l’œuvre, une force paisible qui se transforme et affecte les autres éléments.

Extrait du texte général «Sonitus Aquae ou des métamorphoses de l’eau» de Giulia Turati

 

Sound installation, glass, calcite, brass, speakers, various size.

Collection MAC VAL
The Acouskarstic installation perfectly combines all the visual and conceptual paths the artist explores in this area. The purity of glass here suggest the purity of a drop of water which forms a concretion over several years. Elements in stone, neo-fossil sponges mineralised by the artist and calcareous agglomerates, some of them fastened to the glass, deliberately place visitors in an undefined space that lies outside time. The recorded sounds of underground rivers, drops falling regularly or hollow concretions played like an instrument serve to bring life to these transparent tubular stalactites, giving them breath and movement.
Acouskarstic celebrates water in all its many forms and various states: water that solidifies and sculpts, water that murmurs and sings, water that shapes the landscape. A serene and peaceful force is at work, transforming itself and affecting the other elements.

Extract from the general text «Sonitus Aquae or metamorphoses of water» by Giulia Turati

Meteaura, 2018

Collection Fonds National d’Art Contemporain
Pour réaliser Météaura, l’artiste a laissé plusieurs mois des ardoises sous les gouttes d’eau calcaire des tufières, là où l’eau devient pierre. Le protocole de réalisation est simple : enlever une plaque tous les deux jours et laisser l’eau dessiner la trace de son passage et ainsi marquer la durée de l’opération. Sur certaines pierres, le calcaire a juste effleuré la surface, sur d’autres, il sédimente. Le temps et l’eau ont donc laissé des empreintes que l’artiste a ensuite composé dans une installation aux allures de peinture abstraite mais qui évoque aussi une image d’ondes magnétiques. L’eau est donc l’élément actif d’une mutation radicale et l’œuvre devient une relique qui fige cette variation d’un état à l’autre. Cette caractéristique apparait aussi dans la série Concretios, où Charlotte Charbonnel crée des sculptures cristalloïdes laissant évaporer un mélange d’eau salée.

Extrait du texte général «Sonitus Aquae ou des métamorphoses de l’eau» de Giulia Turati

 

Calcite on slate, 30 x 20 cm each.

Collection Fonds National d’Art Contemporain
When she created Météaura, the artist left pieces of slate for several months under drops of calcareous water from tufa deposits, where water turns to stone. Her protocol was simple: she removed one slate every other day and left the water to chart the trace of its passage and thus mark the operation’s duration. On certain stones, the calcareous water barely grazed the surface while on others it deposited a sediment. Time and water have therefore left marks that the artist then turned into an installation bearing a resemblance to an abstract painting, but equally evocative of magnetic waves.
The water is thus the active element in a radical transformation, and the work becomes a relict that immobilises this variation from one state to another. This characteristic also features in the Concretios series, where Charlotte Charbonnel creates crystalloid sculptures featuring a mix of salt water evaporating.

Extract from the general text «Sonitus Aquae or metamorphoses of water» by Giulia Turati

Speleothemes, 2018

Les éléments de Spéléothème se fondent (et confondent) avec un décor grotesque et rocailleux. L’artiste joue le mimétisme et confond l’appréciation du ou de la visiteur·euse en rajoutant des objets en calcaire trouvés – des véritables ready made organiques – ou alors créés pour l’occasion sous les chutes d’eau pétrifiantes. Cette installation en cascade se termine par divers éléments en verre enterrés. Ces sculptures reflètent la lumière comme un bassin éclairé tout en guidant le regard vers des profondeurs à explorer.

Extrait du texte général «Sonitus Aquae ou des métamorphoses de l’eau» de Giulia Turati

 

Plaster, from 17,5 x 9 cm to 118 x 23 cm.

The elements in Spéléothème merge and mingle in a rocky, cave-like setting. The artist dabbles in mimicry and upsets visitors’ expectations by adding limestone objects she found – true organic ready-mades – or created especially for the piece under the petrified water falls. This cascading installation concludes with various buried elements made of glass. The sculptures reflect the light like an illuminated pool while guiding the viewer’s eyes towards the depths to be explored.

Extract from the general text «Sonitus Aquae or metamorphoses of water» by Giulia Turati

Sonitus Aquae, 2018

  1. Aquifer , 2018. Installation in situ, papier gris, ouate de cellulose, colle
  2. Sonitus aquae , 2018. 3 vidéos e3. n boucle.
  3. Météaura , 2017-2018.4. Plaques d’ardoise, calcaire.
  4. Spéléothème , 2017-2018. Installat5. ion in situ, calcaire, moulages en plâtre, lumière.
  5. Acouskarstic , 2017-2018. Tubes en verres fixés sur laiton, son, lumière.

Une goutte d’eau puissante suffit pour créer un monde et pour

dissoudre la nuit. Pour rêver la puissance, il n’est besoin que
d’une goutte imaginée en profondeur. L’eau ainsi dynamisée
est un germe ; elle donne à la vie un essor inépuisable.
Gaston Bachelard, Eau et les rêves

Habile dans la manipulation de la nature et de l’organique, Charlotte Charbonnel enferme les phénomènes les plus discrets et éphémères dans des formes finies et, paradoxalement, en devenir perpétuel.
Pour le corpus d’œuvres Sonitus Aquae [Le murmure de l’eau], l’artiste a créé des œuvres à partir d’un même élément, le plus essentiel, l’eau. Complice dans cette démarche, le massif du Vercors 1 , un site karstique rude et tourmenté, aux abîmes âpres et aux cavités marquées par le temps et par les forces aquatiques. L’artiste s’est intéressée aux changements géologiques le plus ancestraux, aux mutations causées par l’eau sur la roche et aux affinités entre ces deux éléments. Les recherches se sont faites tant en surface qu’à l’intérieur, dans les profondeurs et les creux de la montagne érodée par les rivières et les infiltrations de l’eau. Les œuvres produites sont alors une parfaite alchimie entre ces différentes sources que Charlotte Charbonnel exploite et mêle.
L’installation Aquifer produit une fausse humidité ambiante et fait littéralement ruisseler le plafond de la salle. Entre effet optique et ironie architecturale, le ou la visiteur·euse se trouve comme dans une grotte artefacte. Cette œuvre in situ comporte aussi des vidéos qui, incrustées comme si elles ressortaient du mur, présentent des points de vues insolites (voir impossibles). Les œuvres de Sonitus Aquae, sont des matières aux propriétés transitoires et aussi des sons qui produisent un corps abstrait. Elles sont à la fois l’empreinte de l’artiste sur ces éléments et leur sublimation plastique. L’eau, matière organique et vivante, produit un décor magnifié. Charlotte Charbonnel, tel une démiurge de deux mondes, crée des installations qui jouent avec les possibles et leur métamorphose. Ces œuvres sont donc une invitation à la découverte d’un paysage recomposé, une vision lyrique de certains lieux que l’artiste a transformés et transcendés : « Avant d’être un spectacle conscient tout paysage est une expérience onirique. On ne regarde avec une passion esthétique que les paysages qu’on a d’abord vus en rêve. » 2 .

Extrait du texte général «Sonitus Aquae ou des métamorphoses de l’eau» de Giulia Turati

1 L’artiste a travaillé notamment à la Grotte de Choranche, connue pour ses fistuleuses majestueuses et ses
rivières souterraines, et aux Jardin des fontaines pétrifiantes à La Saône, où les chutes d’eau, riches en calcaire,
rendent tout objet de pierre.
2 Cf. Gaston Bachelard, au et les rêves, Essai sur l’imagination de la matière. 1942.

 

Solo show in la Halle de Pont-en-Royans (Vercors), January 2018

1. Aquifer, 2018. In situ installation, grey cardboard, cellulose wadding, glue.
2. Sonitus aquae, 2018. 3 videos looped.
3. Météaura, 2017-2018. slate slabs, limestone.
4. Spéléothème, 2017-2018. In situ installation, limestone, plaster molding, light.
5. Acouskarstic, 2017-2018. pipes glassset on brass, sound, light.

A drop of powerful water suffices to create a world and to dissolve the night.
To dream of power, only one drop imagined in its depth is needed.
Water thus given dynamic force is a seed; it gives life an upward surge that never flags.

Gaston Bachelard, Water and Dreams

With her dexterous handling of nature and the organic world, Charlotte Charbonnel encloses the most discreet and ephemeral of phenomena in finite forms that, paradoxically, become eternal. For the Sonitus Aquae [the murmuring of water] corpus of works, the artist created pieces based on the same element: water, the most essential of elements. She found an accomplice for her approach in the Vercors Massif, a stark and rugged karstic site with unforgiving chasms and cavities hollowed out by time and aquatic forces.
The artist explored ancient geological shifts, the transmutations caused by the water’s action on the rock, and the affinities between these two elements. Her investigations concerned both the surface and the core, the depths and the hollows of the mountain eroded by rivers and water infiltration. The resulting works represent a perfect alchemy between the different sources that Charlotte Charbonnel employs and blends.
The Aquifer installation produces an artificial ambient humidity and literally makes the room’s ceiling drip. Between optical effect and architectural irony, visitors find themselves in a cave as artefact. This site-specific work also includes videos which, embedded as though coming out of the wall, present unusual (if not impossible) viewpoints. The works that make up Sonitus Aquae are materials with transient properties as well as sounds producing an abstract corpus. They constitute both the mark the artist leaves on these elements and their artistic transformation. Water, an organic and living matter, produces a magnified setting. A demiurge shaping two worlds, Charlotte Charbonnel creates installations that play with different forms of the possible and their metamorphosis. These works are thus an invitation to discover a reconstructed landscape, a lyrical vision of places the artist has transformed and transcended: “Before becoming a conscious sight, every landscape is an oneiric experience. Only those scenes that have already appeared in dreams can be viewed with an aesthetic passion.”

Extract from the general text «Sonitus Aquae or metamorphoses of water» by Giulia Turati

Siphonophone, 2017

« Une éponge réduite par une opération de pilonnage à une poussière de cellules, la poussière vivante formée par une multitude d’êtres isolés se perd dans l’éponge nouvelle qu’elle reconstitue. Un fragment de siphonophore est à lui seul un être autonome, toutefois le siphonophore entier, auquel le fragment participe, est lui-même peu différent d’un être possédant son unité » : le siphonophore est un organisme marin appartenant à la famille du plancton animal, sa spécificité est d’être constitué de milliers d’individus s’agrégeant en colonie, pour ne former qu’un seul corps, chaque élément ayant une fonction précise (chasse, reproduction, nourriture, défense). Charlotte Charbonnel, fidèle à sa pratique puisant dans les sciences, propose ici de créer une sculpture en verre sonore reprenant ce principe corallien, rhizomatique et réticulaire, étudié par Georges Bataille. Et cela, en étroite corrélation avec certaines de ses pièces précédentes, notamment sa Syphonie pour orgue (2013), pour laquelle elle avait créé une structure à partir de tubes, tels des siphons, dans lesquels le son circulait. L’interprétation qu’elle réalise ici de L’Expérience intérieure est extrêmement originale, tant elle capte, dans cette pensée philosophique et poétique à la recherche d’elle-même, les soubassements géologiques : qu’il s’agisse de l’étude du vent, des mouvements des êtres sur la Terre, de la minéralogie ou de la volcanologie. Ce qui intéresse l’artiste est la manière dont l’énergie se créé, pour ensuite se diffuser, mais comment aussi les infinies particules circulent dans un environnement beaucoup plus vaste qu’elles, et créent leur propre parcours, pour ne pas dire leur récit. Il s’agit donc d’une poétique du vivant, de la lumière, de l’atome ou du séisme, chacun de ces termes pouvant être perçu de manière aussi concrète que symbolique. Et c’est dans cette polysémie que réside toute la force de la démarche.

Dans le cadre de ses recherches, Charlotte Charbonnel s’inspire autant de la structure interne des tourbillons, que des colonnes sonores dans les grottes, ou encore des glassharmonica. Mais aussi, du côté minéral, de la silice ou de la lave, toutes ces matières naturelles à partir desquelles des formes peuvent émerger. Ainsi, on ne s’étonnera pas de découvrir, dans la pénombre primordiale, sa sculpture se déployer : un souffle de vent amène le visiteur à écouter une symphonie cristalline, et à voir un massif corallien en verre s’élevant vers la transparence, après avoir puisé sa force dans de délicats sillons dessinés par le vent, sur du sable, au sol. Nous sommes presque face à un mirage, image que l’artiste revendique pleinement, tout en évoquant les fulgurites, ces pierres de foudre, fragments de verre naturel, que l’on peut trouver dans le désert, en Libye, fruits de la rencontre entre un éclair d’orage et le sol sableux. Dès lors, les formes se dessinent sous les doigts du vent ou par l’impact violent des éléments s’entrechoquant. Une cristallisation, au sens solide autant qu’amoureux, se produit entre les matériaux. Dans le cadre de nos discussions, une phrase est restée comme un mantra : « ce qui compte n’est plus l’énoncé du vent, c’est le vent » : Bataille, défenseur d’une pensée non discursive — pensée du non-savoir puisant dans l’inconnu — nourrit l’expérience d’un contact direct avec les choses et les êtres, sans médiation. C’est bien ce qu’il nomme « la communication », que l’on peut aussi lire comme « contagions d’énergie, de mouvement, de chaleur […] comme un courant ou comme une sorte de ruissellement électrique ».

Léa Bismuth

 

Sound sculpture, glass, volcanic rock, ventilator, led, dimensions variable. Production by Labanque.

“A sponge reduced by a pounding movement to a dust of individual cells, the living dust formed by a multitude of isolated beings is lost in the new sponge which it reconstitutes. A fragment of siphonophore is on its own an autonomous being; however, the whole siphonophore, in which the fragment participates, is itself not very different from a being possessing its unity”: the siphonophore is a marine creature that belongs to the animal plankton family. It is unusual in being made up of thousands of individual creatures which join together as a colony to form a single body. Each fragment has a specific function (hunting, reproduction, food and defence). Charlotte Charbonnel, true to her scientific penchant, sets out here to create a glass sound sculpture that uses the coral, rhizomatic and reticular principle studied by Georges Bataille. The work is closely linked to some of her previous pieces, particularly Syphonie pour orgue (2013), when she created a structure out of tubes serving as syphons where sound circulates. The interpretation she produces here of Inner Experience is highly original, so effectively does she capture, within this philosophical and poetic thought in search of itself, geological substructures: whether in the study of wind, the movements of beings on the Earth, mineralogy or volcanology. What interests the artist is the way energy is created so it can then dissipate, but also how infinite particles circulate in an environment that is a far vaster than them and create their own path, not to say their own narrative. This, then, is about the poetics of the living world, of light, of the atom or the earthquake; each of these terms can be seen both in concrete and symbolic terms. This polysemy is the source of the power of her approach.
As part of her research, Charlotte Charbonnel draws inspiration from the internal structure of whirlpools as well as the sound columns of caves or glass harmonicas. And then, on the mineral level, there are silica, lava, all those natural materials from which forms can emerge. It is therefore no surprise to discover her sculpture unfurling in the primordial darkness: a breath of wind encourages visitors to listen to a crystalline symphony and to observe a glass coral reef reaching for transparency having drawn its strength from the delicate furrows drawn in the sand on the floor by the wind. We are almost in the presence of a mirage, an image the artist lays claim to wholeheartedly, while also evoking fulgurites, those stones born of lightning, fragments of natural glass that can be found in the desert, in Libya, fruit of the encounter between a thunderstorm and the sandy ground. Forms are thus outlined by the wind’s fingers or the violent impact of the elements as they collide. A crystallisation, in both a solid and a loving sense, is produced between the materials. As part of our discussions, a sentence has stayed with me like a mantra: “what counts is not the statement of wind, but the wind”: Bataille, defending non discursive thought — a not-knowing that draws on the unknown — valued the experience of direct contact with things and beings, without any mediation. This is what he named “communication”, which we could also interpret as “contagions of energy, of movement, of warmth […] like a current or like a sort of streaming of electricity.”

Léa Bismuth

Ambrolitotype I, II, 2017

 

Wet collodion on glass, 20,5 x 25,5 x 9 cm (I), 40 x 60 cm (II)

Aquarius, 2017

« Voir, c’est comprendre, juger,
transformer, imaginer, oublier
ou s’oublier, être ou disparaître. »1

Ces vers, de Paul Eluard, illustrent en partie le travail de Charlotte Charbonnel qui à l’instar des poètes « donne à voir ». Fine observatrice, l’artiste retient certains détails qu’elle examine, décortique minutieusement afin de mieux les appréhender. Telle une chercheuse, elle teste, expérimente voire même se prête à jouer au démiurge en créant certaines substances. L’artiste glane, recueille ou récolte des éléments que l’on ne sait pas regarder car à force de les voir on ne les voit plus. C’est ainsi qu’elle harponne des nuages, capture des cours d’eau, épingle des sons, chope des formes, suscite de la matière … Telle une magicienne, Charlotte Charbonnel fige puis fixe l’éphémère. En posant son regard, car il est bien question de prendre le temps de regarder pour mieux voir, elle agit tel un révélateur qui transforme l’image latente en image visible. Révéler pour nous permettre de
voir ou du moins pour attirer notre attention. Elle fait remonter à la surface des éléments restés jusqu’à présent dans l’ombre. L’artiste met en lumière la poésie de notre environnement et s’applique à nous indiquer que tout peut être de l’ordre du merveilleux, pour cela il suffit de le voir2.

« Sous la foudre
un bruit de rosée
coule dans les bambous »
Yosa Buson

Chaque œuvre, chaque installation de Charlotte Charbonnel est une bribe de paysage, une échappatoire pour laisser divaguer notre esprit. L’étoile d’une constellation. L’exposition « Aquarius » pourrait-être perçue comme un jardin céleste dans lequel on vient flâner pour se laisser aller à la rêverie. Car si parfois Charlotte Charbonnel fige ou matérialise l’indomptable elle laisse toujours de la place au vagabondage. Quoi qu’il se passe chaque élément est mouvant. Tel un « jardin en mouvement »3 la minutie de l’artiste laisse tout de même une part belle à la fantaisie, voire à l’incontrôlable

En reliant les étoiles entre elles, les Hommes voient dans chaque constellation une légende. La magie de l’imaginaire opère ici avec délice. C’est ainsi que le porteur d’eau Aquarius verse sur le monde l’eau de la connaissance et de l’esprit. Les œuvres de Charlotte Charbonnel ne seraient-elles pas ainsi des porteuses d’émotions ? Il ne tient qu’à nous de les voir …

Leïla Simon

1 Paul Eluard, « Donner à voir »
2 Les fils des éléments d’écoute qui se glissent, se faufilent, s’infiltrent viennent ajouter de la fraîcheur aux installations, intensifier avec finesse le merveilleux du quotidien.
3 Le Jardin en Mouvement de Gilles Clément s’inspire de la friche : espace de vie laissé au libre développement des espèces qui s’y
installent.
4 La lumière selon l’heure de la journée, les saisons ou l’éclairage retenu jouent un rôle important pour contribuer à révéler ce que l’on ne savait voir. Le son est dévoilé par des volumes, des formes ou des textures. La minutie est contrebalancée par la sinuosité des fils…

Asterisme, variation, 2017

Cette installation a été réalisée in situ pour le centre d’art contemporain Les Tanneries, elle nous donne l’impression que les étoiles tombent du ciel, comme une extension de la verrière. Chaque œuvre reproduit le son d’une étoile issue de la constellation de la Lyre et indexée par la NASA. La sonification a été produit par le Dr Jon M. Jenkins à partir des données de la mission Kepler, de la 10e mission du programme découverte et de la première mission de la NASA capable de trouver des planètes de taille terrestre dans les zones habitables des étoiles de type solaire.

 

Blown glass Ø 166mm, metal rods, loudspeaker, sound card, various size.

This installation was made in situ for the contemporary art center Les Tanneries, it gives us the impression that the stars fall from the sky, like an extension of the canopy. Each work reproduces the sound of a star from the Lyre Constellation and indexed by NASA. The sonification was produced by Dr. Jon M. Jenkins and the data collected from the Kepler mission, the 10th Discovery Mission, and the first NASA mission capable of finding planets the size of Earth in the habitable zone of stars other than the sun.

Sfumatophonie, 2017

L’exposition dans son ensemble joue sur la notion du Sfumato cher à Léonard de Vinci avec certaines salles dans l’obscurité, mais également avec l’idée d’écouter les éléments, l’humeur des phénomènes. L’artiste s’inspire des familles d’instruments de musique pour proposer des œuvres en cuivre dont s’échappent des sons de vent, ou encore des pièces sonores à manipuler par des cordes. Les lieux dans lesquels Charlotte Charbonnel expose ses oeuvres tiennent une place prépondérante dans le choix et la réalisation des installations. L’artiste s’est ici imprégnée du festival lyrique de la ville de Saint-Céré et s’inspirer de l’orchestre symphonique.

Au rez-de-chaussée, la lumière naturelle éclaire l’installation Symphonie pour orgue qui se déploie sur tout l’espace et joue avec l’architecture du lieu. D’une architecture faite de tubes en cuivre sort le prélèvement sonore du chant de ces derniers généré par l’œuvre. Des micros font siffler l’intérieur du cuivre et questionnent le spectateur quant à l’origine des sons.
A l’étage, les œuvres vidéos An Elusive Landscape, 48°34’ et Fumerolles sont projetées dans un espace obscur dédié.
Ainsi qu’une installation réalisée in situ «Lyrae obscura» qui propose des cordes tendues qui traversent l’espace et qui semblent rejoindre l’extérieur par un jeu avec les fenêtres de la salle, l’intérieur et l’extérieur. Cette œuvre s’inspire de la lyre et rend ainsi hommage au festival de musique de Saint-Céré.

Extrait du communiqué de presse

 

The exhibition as a whole plays on the notion of Sfumato dear to Leonardo da Vinci with certain rooms in darkness, but also with the idea of listening to the elements, the mood of the phenomena. The artist is inspired by the families of musical instruments to propose works in copper from which wind sounds escape, or sound pieces to be manipulated by strings. The places in which Charlotte Charbonnel exhibits her works hold a preponderant place in the choice and the realization of the installations. Here the artist has taken inspiration from the lyrical festival of the town of Saint-Céré and the symphony orchestra ».

On the first floor, natural light illuminates the installation Symphony for organ that unfolds over the entire space and plays with the architecture of the place. From an architecture made of copper pipes comes the sound sample of their singing generated by the work. Microphones whistle inside the copper and question the spectator about the origin of the sounds.
Upstairs, the video works An Elusive Landscape, 48°34′ and Fumerolles are projected in a dedicated dark space.
As well as an installation realized in situ « Lyrae obscura » which proposes taut ropes which cross the space and which seem to join the outside by a play with the windows of the room, the inside and the outside. This work is inspired by the lyre and pays tribute to the music festival of Saint-Céré.

Extract from the press release
 

Nebulagramme, 2016

 

Laser engraving on glass, 24 x 30 x 1,5 cm, production Le STUK.

27ème édition de l’Art dans les chapelles

2018 27ème édition de l’Art dans les chapelles, commissariat Eric Suchère, Chapelle Saint-Meldéoc, Guern, Pontivy, France

Heavy Metal, Woman to Watch 2018

2018 Heavy Metal, Woman to Watch 2018, commissariat Virginia Treanor, National Museum of Women in the Arts, Washington D.C., USA

Cosmogonies, au gré des éléments

2018 Cosmogonies, au gré des éléments, commissariat Hélène Guenin, MAMAC- Musée d’art moderne et d’art contemporain de Nice

Paysages récompensés

2018 Paysages récompensés, commissariat Le Mur, Prieuré de Pont-loup, Moret sur Loing

Paleomancie

2018 Paleomancie, Galerie Backslash, Paris

Sonitus aquae

2018 Sonitus aquae, commissariat Giulia Turati, centre d’art La halle, Pont-en-Royans